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Le témoignage de Jennifer : le combat PMA continue

Le cancer des testicules

J’ai accepté de témoigner car le tabou, l’inertie et le manque d’information sur l’hypofertilité ou l’infertilité me pèse et me révolte chaque jour un peu plus. Tout a commencé en 2014 pour nous, plus précisément le 24 décembre 2014 avec l’annonce du cancer d’un des testicules de mon mari (qui était à l’époque mon concubin depuis 1 an seulement).

Comme vous l’imaginez, apprendre que sa vie ET notre vie bascule un matin de réveillon de Noël a été difficile à accepter et digérer … Mais pas le choix ! Le jour de l’annonce, l’oncologue nous a demandé si nous avions des enfants et comme ce n’était pas le cas, elle nous a expliqué que la chimiothérapie pouvait le rendre stérile et que par conséquent il fallait mieux faire des conservations de sperme au centre de PMA.

Le combat contre le cancer

Chose que nous avons fait avant qu’il n’entame la chimiothérapie.

Les périodes de chimiothérapie et de traitements ont été difficiles pour lui bien entendu, mais moi je me devais d’être son roc, cette épaule sur qui il pouvait (et devait s’appuyer) alors je ne lui transmettais que des images et des paroles positives pour qu’il se batte et ne pense qu’à une seule chose = aller mieux et s’en sortir.

Cela a mis à mal notre couple évidemment, car les traitements qu’il avait changeait ses humeurs, certains de ses comportements etc… et afin de ne pas craquer je me répétais « ce n’est pas l’homme que tu aimes qui parle ou agit, ce sont les médicaments qui le change », pendant que de son côté il avait peur que je finisse par le quitter. C’était difficile de le voir souffrir et de se sentir impuissante, de plus j’étais nommée « personne de confiance » sur les documents administratifs, à l’hôpital où il avait ses séances de chimio mais lorsqu’il y avait des résultats d’examens ou autre comme nous n’avions pas le même nom je n’avais pas le droit de les avoir ou de les entendre, donc c’était lui qui m’informait de l’évolution. Alors lorsqu’il rentrait chez nous de ses séances de chimio, j’essayais de mettre en place des petits moments de réconfort ; je cuisinais de bons petits plats ou des pâtisseries car la semaine où il était en chimio (nous étions séparés 1 à 2 semaines/mois lui à Bordeaux pour ses traitements et moi à 160 km) il ne mangeait quasiment rien.

Après ces périodes extrêmement difficiles, une fois que le mot « rémission » a été prononcé, nous avons rattrapé tout le temps perdu pour profiter de chaque moment que la maladie nous a volés pour nous retrouver tout simplement. Sa vision de la vie a totalement changé, et certaines de ses convictions ont évolué comme celle du mariage notamment. A ma grande surprise, un jour où je ne m’y attendais pas du tout il m’a demandé en mariage ! Nous nous sommes mariés en 2017 et voulant profiter de la vie à pleine dent comme une envie de vouloir rattraper ce temps suspendu, nous sommes également devenus propriétaires la même année à quelques semaines d’intervalle. La prochaine étape était comme une évidence pour nous ….

Nous voulions devenir parents !

L’oncologue nous avait expliqué qu’il fallait patienter 1 an avant de tenter une conception, le temps que le corps de mon mari élimine tous les traitements. Mais après avoir patienté le temps recommandé et 6 mois d’essais, l’oncologue lui a demandé de faire un spermogramme où le résultat constatait la stérilité dû à la chimio.

Direction le centre de PMA avec un accueil glacial

On nous a alors dirigés vers une gynécologue au centre de PMA où nous avions fait les conservations.

Là encore des mésaventures nous attendaient, car la Gynécologue qui nous a reçus a eu des propos traumatisants, choquants, qui nous ont tout de suite refroidis et démoralisés. Nous avons entendu « que c’était de sa faute à lui si on en était là tous les 2 », « que j’étais obèse et donc que ça allait être très compliqué et long », « que j’avais les ovaires d’une mamie » et je ne cite pas tout …

Les médecins du centre PMA m’ont demandé de perdre 40 kg, sinon aucune chance que notre dossier ne soit accepté en commission et attention vos yeux …… sans aucune prise en charge ou sans être redirigé vers une diététicienne ou autre professionnel.

Juste « il faut perdre 40kg, voilà bonne journée, au revoir ». On nous a expliqué à cette période-là qu’avec le cancer de mon mari, nous serions directement orientés en FIV. Et comme vous l’avez compris je pense, nous sommes ressortis avec une culpabilité et une tristesse au niveau maximum.

Après 3 rdv avec ce médecin, j’ai fait des recherches sur les démarches à effectuer pour changer de gynécologue et après avoir bataillé et être passé en force auprès du secrétariat, nous avons eu rdv avec notre gynécologue actuelle qui nous suit depuis 2019 et qu’on n’échangerait pour rien au monde !! Grâce à elle et son professionnalisme, après de longues discussions, elle m’a fait passer des examens complémentaires très poussés afin de nous aider au maximum et c’est à ce moment-là que nous avons compris qu’il s’agissait d’un travail d’équipe. C’est peut-être bête à dire, mais lorsqu’elle nous a dit qu’elle allait présenter notre dossier en commission, nous l’avons vraiment perçue comme notre avocate pour avoir le droit de devenir parent.

La commission PMA

De mon côté professionnellement cela devenait de plus en plus compliqué et j’ai fini par faire un 2ème burn-out (le 1er était quelques années plus tôt). C’était difficile pour moi car je travaillais dans le milieu médical, avec tous les examens et rdv que la PMA exige je ne sortais jamais de ce milieu et j’avais l’impression de n’avoir aucune pause ou jour de repos. Alors à un moment donné, après l’agression d’un patient, mon corps a dit « stop » et après beaucoup de recul, de mois, de questionnement et surtout du repos j’ai entrepris une reconversion professionnelle. Comme si j’avais le besoin irrépressible de (re)prendre le contrôle sur une partie de ma vie (à défaut de l’avoir sur mon corps).

La commission a opté pour une petite « faveur » en me demandant d’être à 105kg au lieu de 100kg initialement demandé lors de notre arrivée en PMA. A ce moment-là j’avais déjà perdu 32 kg seule. Et après avoir fait les différents examens du parcours, une suspicion d‘endométriose est arrivée, puis a été écartée pour revenir quelques mois plus tard et être de nouveau écartée (stress au maximum). Devant le cheminement effectué montrant je cite « ma motivation à devenir mère avec la perte de tous ces kilos », notre gynécologue m’a orienté vers une endocrinologue afin de vérifier que cette perte de poids n’avait pas engendrée de carences avant de présenter de nouveau notre dossier en commission. Et suite à ce rdv, j’ai été hospitalisée 4 jours pour faire un check-up complet qui n’a rien révélé, les médecins du service ont même été un peu désarmés face à ma détermination et la réussite à combattre mon obésité seule, car je cite « ils auraient préféré me voir dès le début pour pouvoir m’accompagner au mieux », cependant leur compte-rendu a été très positif et a permis d’appuyer notre dossier en commission.

Notre 1ère FIV

Une fois notre dossier passé en commission, nous avons eu les ordonnances et les papiers nécessaires pour avoir le 1er traitement et notre 1er essai après 4 ans d’attente. Nous avions donc ENFIN un retour positif remplit d’espoir, le seul en 4 ans !

J’ai eu ma toute 1ere stimulation en aout avec une FIV prévue en septembre 2021 qui a été annulée 48h avant la ponction car mon corps ne réagissait pas au traitement et les follicules n’évoluaient pas du tout. Cela a été vraiment un gros coup dur au moral !

Notre gynécologue a donc repassé notre dossier en commission pour avoir un nouveau traitement et une nouvelle date. Et grâce à un désistement, j’ai eu mon nouveau traitement fin octobre auquel j’ai très bien réagi et avec des follicules en pleine croissance à chaque contrôle, puis une ponction mi -novembre 2021 où l’on a obtenu 9 ovocytes et notre FIV quelques jours après avec 2 ovocytes fécondés (dont un J2 frais transféré et 1 congelé).

Le jour du transfert, la biologiste nous a expliqué que pour la 1ère fois, ils ne transféraient qu’un seul embryon. Le test de grossesse fait 15 jours après était malheureusement négatif.

L’impact de la PMA sur nos vies

Je me rends compte avec toutes ces années, que nous devenons de véritables petits scientifiques avec des termes qui sont loin d’être évident à comprendre (FIV, IAC, TEC, FIVDO, FSH, AMH etc.…), que la prise en charge en France est catastrophique dans certains centres, que même si les choses évoluent (PMA pour toutes) c’est encore trop lent et faible comparé à d’autres pays. Qu’en tant que patients nous sommes parfois pris au piège ou en étau et surtout que les thérapies alternatives et la psychologie sont complètement écartées … pour un pays comme la France je trouve ça vraiment déplorable !

Les relations familiales et/ou amicales sont compliquées parfois ou tendues, car même si nos proches sont au courant … les annonces de grossesse sont de véritable déchirement pour moi (alors que mon mari pas du tout). Mes amies finissent par ne plus m’inviter à leur babyshower (pour me « protéger », de peur de me blesser) et elles m’annoncent leur grossesse à quasiment 6 mois de grossesse. Quant à celles qui sont déjà mère, elle m’envoie constamment une photo de leur enfant avec un SMS ou un mail (jamais l’un sans l’autre) alors les phrases « t’y penses trop », « j’ai une amie qui … », « ah oui je sais ce que c’est j’ai la cousine de la sœur de mon voisin qui est passée par là », « je comprends » me font vriller et déclenche une colère chez moi en 2,5 secondes … et si c’est le cas c’est OK !! c’est légitime !

Aujourd’hui je suis hypnothérapeute avec une spécialisation en EMDR et en hypnose fertilité/périnatale ainsi que yoga thérapeute spécialisée en fertilité et sexualité féminine.

J’ai ouvert mon cabinet il y a quelques mois et je souhaiterais le développer pour des entretiens à distance afin d’accompagner et soutenir des femmes et couples souffrant d’hypofertilité ou d’infertilité. Les retours jusqu’ici sont bons, car comme je comprends ce par quoi ils passent ils se sentent écoutés (et ça c’est important pour moi).

Le combat continue

Depuis janvier 2022, on m’a demandé de perdre les 10 kg pris avec mes 2 sessions de stimulation. Notre gynécologue m’a fait repasser une hystérosonographie en février pour vérifier si mes fibromes connus depuis de nombreuses années n’avaient pas évolué, et celle-ci a révélée qu’un fibrome avait grossi et qu’il était positionné à l’embouchure de ma trompe gauche.

J’ai donc été dirigée vers une chirurgienne et je dois me faire opérer le 19 avril !! Et nous espérons pouvoir faire notre TEC en mai 2022.

Je tenais vraiment à remercier les associations et FIV.fr (articles et forum), car j’y ai trouvé beaucoup d’information, de compréhension, de conseil grâce à eux. Selon moi personne ne peut comprendre ce que les femmes ou les couples ressentent ou traversent tant qu’on ne l’a pas vécu, et sur les forums de FIV.fr (https://forum.fiv.fr) je ne me suis jamais sentie jugée, critiquée ou illégitime de pouvoir ressentir mes douleurs, ma solitude bien au contraire ! Cela m’a fait et me fait encore beaucoup de bien de pouvoir échanger avec des personnes qui sont passés ou passent encore par ce parcours de montagnes russes …… alors MERCI !

Nous sommes des warriors, ne l’oubliez jamais !! J’ai une devise que j’aime beaucoup me rappeler et rappelé aux personnes que j’accompagne en tant que thérapeute : « Les batailles de la vie ne sont pas gagnées par les plus forts ni les plus rapides, mais par ceux qui n’abandonnent jamais » Hassan II.

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