Le témoignage de Margaux : 5 FIV, une petite fille et un désir de deuxième enfant
Présentation
On me demande aujourd’hui de témoigner de notre parcours FIV, quel exercice difficile. Par où commencer ?
Je me présente, Margaux aujourd’hui 29 ans toujours dans la PMA. Parcours qui a commencé à l’âge de 20 ans.
J’ai rencontré mon futur mari j’avais tout juste 18 ans. Il avait déjà un enfant d’une précédente union, ayant une différence d’une dizaine d’années entre nous, et étant étudiante engagée dans des études longues, le bébé était effectivement un projet mais plutôt sur le long terme. Pourtant notre relation devenant sérieuse, Monsieur ayant la situation financière pour nous assumer malgré mon statut d’étudiante, la question du bébé commence à se préciser d’autant que « chez nous » les enfants sont l’un des buts de l’existence d’une femme, voire le principal (mon mari est marocain et je suis franco algérienne).
Le début des essais bébé
Petit à petit j’abandonne ma contraception et pourtant rien ne se passe au fil des mois. Mais je ne me pose pas trop de questions je suis jeune au beau milieu de ma licence, il me reste encore au moins mon master même si mon rêve c’est la thèse… Mais la pression familiale commence à faire son œuvre : « c’est pas normal, vous êtes jeunes et tu n’es pas enceinte. Vous allez vous marier il est temps pour en avoir plusieurs… » J’ai même eu droit à des réflexions de ma belle mère : « mon fils a déjà un enfant c’est toi qui n’es pas capable ! »
Evidemment nous commençons à nous poser des questions. Et si quelque chose n’allait pas chez nous ? Pourtant intimement je suis convaincue que je vais bien. En effet les 2 seules fois où plus jeune j’ai eu des rapports sans contraception je suis tombée enceinte mais il est vrai que j’ai un cycle douloureux, long et trop abondant.
Je consulte tant bien que mal. Pendant un an je suis suivie régulièrement par mon gynécologue pour décompter les follicules, vérifier les périodes d’ovulations, faires des dosages hormonaux à différents stades du cycle… J’ai tout juste 20 ans. Pendant cette année le verdict est sans appel : « vous allez bien Madame, il faudrait s’intéresser à Monsieur ». Plus facile à dire qu’à faire, cela revenait à mettre en cause sa fierté et sa virilité et puis quelle audace lui qui avait déjà un enfant. Mais face à mes résultats même ma belle mère s’incline et m’aide à le convaincre de la nécessité de la chose. Il finit par accepter de rencontrer le médecin.
Aucun spermatozoïde
Premier spermogramme nul ! c’est forcément une erreur. Deuxième spermogramme résultat confirmé. Coup de massue mais au moins on sait. Enfin je sais, Monsieur nie les faits. La gynécologue nous oriente vers un spécialiste, un homme qui mettra peut être plus à l’aise mon mari. Mais l’idée doit encore faire son chemin, je ne m’inquiète pas plus que ça, nous sommes jeunes. Et puis à 21 ans pour être maman, ce n’était pas dans mes projets étant plutôt « carriériste »… j’ai le temps.
Au bout de quelques semaines Monsieur se décide, ben oui il veut faire mentir ma gynécologue. Très bien je me moque de sa motivation tant que le résultat est là.
Nous rencontrons alors le Dr E, nous ne savions pas encore que dans le milieu de la PMA française, il était une référence. Ni qu’il me suivrait jusqu’à aujourd’hui.
Il lance toute une batterie d’examens pour tous les deux en complément de ce qui a été fait durant l’année précédente avec le gynécologue. Les résultats se confirment pour Monsieur et se précisent : azoospermie excrétoire. Pour moi RAS. Le parcours FIV est donc inévitable. On commence à découvrir que notre enfant, nos enfants seront des bébés éprouvettes issus d’un milieu froid et sans sentiment… cela me perturbe mais c’est le résultat final qui compte. Et surtout je ne veux pas y penser me poser trop de questions, les professionnels nous entourent et tout va très vite et je préfère. Je ne laisse plus le choix à mon mari. On fonce, surtout à la lumière des témoignages qui s’avèrent des parcours du combattant que je glane çà et là.
Le début du parcours PMA… et de nouvelles découvertes
Les rendez vous au centre de PMA commencent. On ne se pose pas la question du centre puisque nous suivons notre médecin. Nous rencontrons les différents professionnels (psychologue, généticien…), faisons encore de nouveaux examens pour apprendre que notre protocole sera par le biais d’une ponction testiculaire puis d’une FIV ICSI. Enfin tout dépend du résultat de la ponction mais a priori, étant déjà papa, mon conjoint devrait avoir ce qu’il faut. Son intervention est prévue pour février 2012, l’urologue nous annonce que c’est une intervention que Monsieur ne pourra pas faire de nombreuses fois et que son azoospermie est à priori due à une infection non soignée, ce que Monsieur semble confirmer. Super voilà à quoi ca mène de ne pas voir le médecin.
Première déception, seulement 5 paillettes seront congelées ce qui est bien en dessous de la normale et d’une qualité moyenne. Bon ce n’est pas encourageant mais nous ne nous laissons pas abattre. Je rencontre de nouveau notre médecin pour commencer le protocole de stimulation mais cette fois ci quelque chose le chiffonne. Il me demande d’aller rencontrer un confrère gynécologue et chirurgien.
Ma descente aux enfers allait commencer mais je vais découvrir enfin l’origine de tous mes maux depuis ma puberté j’ai une endométriose de stade III. Elle a littéralement explosé en quelques semaines jusque là invisible. Possiblement attribuée au stress que les nouvelles de ces derniers mois provoquent mais pas seulement, dans la famille les femmes sont loin d’être fertiles et ménopausées plutôt dans la trentaine ; serait-ce la cause, en souffrent-elles aussi ? Elles n’ont jamais été détectées mais à l’époque ce n’était pas une pathologie dont on parlait.
Avril 2012 première cœlioscopie en urgence sans même une IRM. Quelques jours avant l’hospitalisation je comprends pourquoi on m’envoie au bloc si rapidement, je suis littéralement pliée de douleur à hurler, je n’ai jamais eu aussi mal de ma vie et pourtant je suis dur au mal comme on dit. La maladie me montre ses effets. Mes deux ovaires étaient réunis au centre de mon utérus entourés de deux kystes de 3 et 4 cm et collés à mon rectum lui aussi prit dedans. Voici l’explication de mes problèmes gastriques suivant la période de mon cycle. Le chirurgien m’explique avoir fait au mieux pour préserver mes ovaires mais il a du atteindre un des deux, le gauche. Je ne sais pas pourquoi il me précise cela. A la sortie de la clinique 3 mois de Décapeptyl, 3 mois durant lesquels je vais prendre 10kg.
Suite à cela nous refaisons une AMH et je comprends alors les précisions du chirurgien, mon AMH s’est effondrée passant de bonne à inquiétante. Nouveau coup de massue. Nous ne réfléchissons plus et suivons les traitements des médecins. Moi qui ne me voyait pas maman de suite, cela devient mon obsession nuit et jour. Notre couple en subit les conséquences, on s’éloigne mais la PMA, la stérilité, la maladie qui deviennent notre quotidien nous forcent paradoxalement à rester unis.
Les FIV
Juillet 2012 première ponction : 1 ovocyte, un embryon transfert à J3. Echec. On nous explique que finalement nous aurions surement dû attendre que l’effet du Décapeptyl s’estompe, d’où ma mauvaise réponse mais c’est encourageant à priori car malgré tout nous avions un embryon.
Nous partons juste après 2 mois en vacances au Maroc, besoin de souffler, se vider la tête. Les traitements non stop de ces derniers mois m’ont épuisée, j’ai un mémoire à mener à bien car mes études restent une bouffée d’air frais, d’espoir et j’arrive à les poursuivre avec brio malgré les rendez vous, les examens, les traitements, les douleurs, les hospitalisations.
En rentrant nous finalisons notre mariage prévu pour le 22 septembre 2012. Enfin un évènement heureux. Malgré tout retour à la réalité.
Octobre 2012 FIV 2 : 12 ovocytes, 12 embryons et 1 transfert à J3. 0 congelé. Echec.
Les médecins restent optimistes, moi beaucoup moins et je m’enfonce dans ma détresse, j’ai l’impression que mon mari ne comprend pas mes peurs, me tient un discours qui se veux rassurant mais reste froid, distant. Et puis je lui en veux il semble beaucoup moins impliqué, ben oui lui il a déjà un enfant, il s’en fiche. Et c’est de sa faute si j’en suis là avec mes 15kg en trop, bourrée d’hormones, devenue méchante et malheureuse. Lui qui ne m’accompagne même plus à mes rendez vous. Je sais aujourd’hui que j’ai été injuste et que c’était une façon de se protéger et de me protéger de ses propres faiblesses, de sa colère, de ses craintes de me voir partir pour un autre car oui les médecins évoquent néanmoins le donneur car la qualité du sperme de Monsieur est fortement remise en cause, ils estiment même qu’une grossesse spontanée dans mon cas est tout à fait possible enfin si j’avais un autre partenaire… mais sur le moment tout cela je ne le vois pas, je ne vois que ma souffrance liée à la maladie, les traitements injustes que je dois subir, les interventions, les cachets toujours plus nombreux, les rendez vous et leur impact sur mes études, ma carrière et son absence trop régulière à mes cotés alors que ses obligations professionnelles ne le lui permettent pas. Malgré tout nous continuons.
Mai 2013 FIV 3 : 9 ovocytes ponctionnés, 9 embryons, 2 transférés à J3. 0 congelés. Echec.
Décidément le sort s’acharne. Je commence à me dire que je ne serai jamais maman. Ce que je prenais avec philosophie devient tourment. J’ai peur, je suis trop émotive et tout le temps sur les nerfs, sur la défensive. Je deviens aigrie et insupportable pour mon entourage y compris mon mari, mes parents. Mon couple se délite et les conflits deviennent quotidiens.
Les médecins proposent alors de pousser les recherches. Pourquoi n’y a-t-il aucune accroche ? Ils s’intéressent alors à mes 2 grossesses spontanées. Quelle a été leur issue ? Curetage ? Non les deux ont été des fausses couches autour de 2 mois de grossesses. Cela confirme leurs soupçons d’un nouveau problème. On nous parle d’une biopsie utérine non remboursée mais c’est prometteur.
Je me laisse le temps, j’ai besoin d’abord psychologiquement pour ne pas craquer. Je finalise mon mémoire de recherche, que je soutiens, je prépare mes concours, je me consacre à mon couple, mais au final tout cela me hante dans un coin de ma tête.
Février 2014 une fois la biopsie faite les résultats tombent, présence trop importante de cellules dites NK, un nouveau protocole est proposé pour favoriser l’accroche avec des corticoïdes, antibiotiques mais surtout des hormones à dose délirante. Bon on va tenter alors.
Juillet 2014 FIV 4 : léger retour de l’endométriose mais 6 ovocytes, 6 embryons, 2 transférés à j3. 0 congelés. Enfin c’est positif, je n’y crois pas. J’appelle la clinique tellement heureuse de transmettre mon HCG positif. Pourtant au téléphone la secrétaire reste sur la réserve. Le gynécologue me rappelle en m’expliquant que le taux est très bas et n’inaugure rien de bon sachant que l’Ovitrelle peut donner des faux positifs (même si cela n’a jamais été le cas pour moi). 2e prise de sang le taux a augmenté mais pas doublé… 3e prise de sang le taux ralenti encore, 4e prise de sang le taux n’a pas bougé. La fausse couche précoce est annoncée.
Nous attendons encore quelques jours le temps que mon cycle arrive. La terre s’effondre sous mes pieds. Alors ca y est c’est fini. Je déteste tant ce rouge qui s’écoule qui est censé représenter la vie chez toute femme et qui chez moi n’est que source de maladie et même de mort maintenant. Je ne serais jamais maman, j’ai tout juste 24 ans et mes espoirs de famille s’envolent.
La fin du parcours ?
Moi qui étais carriériste, je ne vis plus que pour fonder une famille et l’on me le retire. Pourquoi moi, pourquoi nous ? La chose la plus naturelle du monde m’est interdite. Je prends rendez vous la mort dans l’âme, une dernière fois avec le centre FIV, nous sommes attendus tous les deux, pour clore notre dossier. Je suppose déjà que l’on va nous orienter soit vers le don soit vers l’adoption mais je suis fatiguée de ce parcours du combattant car ces solutions alternatives en sont aussi. Et puis surtout je me rends compte que porter un enfant est important pour moi, je dois en faire mon deuil et je n’y arrive pas. Bref la dépression est déjà là. Je pleure pour un rien. Je ne me supporte plus. Je ne supporte plus personne. J’en arrive même à avoir des pensées sombres.
Lors de notre rendez vous le médecin vérifie que tout soit bien évacué puis nous annonce que notre dossier est passé en commission, sans notre accord. Ok mais pourquoi ?
Il nous explique qu’il reste qu’une seule paillette pour Monsieur, que nous avons enfin tous les éléments pour notre prise en charge avec le traitement adapté et pour preuve nous avons eu une accroche. De fait un dossier de dérogation doit être monté auprès de la CPAM pour une 5e et ultime prise en charge. Je suis perplexe, mon mari se montre plus enthousiaste. Le psychologue m’informe qu’aller jusqu’au bout me permettra peut être aussi de faire mon deuil de tourner la page. Bon faisons les papiers.
L’accord de la CPAM ne va intervenir qu’un an après, dossier maintes fois perdu dans les méandres de l’administration, chaque semaine la secrétaire du centre et moi-même faisons un point avec la CPAM. Même cela est un combat et une période que j’aurais pu mettre à profit pour évacuer, me vider la tête devient une nouvelle source d’angoisse encore plus grande peut être car je prends conscience de ce que peut représenter cette ultime chance si elle nous est accordée. Et cela se retranscrit sur mon corps ou plutôt dedans, l’endométriose fait largement son retour. Le staff médical me demande de me rapprocher des vrais spécialistes de la pathologie présents au CHU pour faire le point. On me laisse le choix entre attendre le retour de la demande dérogation ou de sauter le pas d’une nouvelle intervention qui peut être très lourde vu les dégâts. On me parle déjà d’anus artificiel et compagnie, d’intervention à 4 mains, ouverture du pubis à l’estomac. J’ai peur mais j’en ai tellement marre de souffrir, je suis prête et je rencontre même l’anesthésiste. Mais mon mari s’y oppose. On nous a prévenus que si l’intervention se fait aucune assurance de fertilité n’est assurée. Je ne pourrai peut être pas faire une nouvelle FIV. D’ailleurs le professeur est plutôt favorable pour l’option dernière FIV puis intervention.
La dernière tentative
La mort dans l’âme je cède malgré les crises de douleurs qui deviennent presque quotidiennes, à me paralyser. Et la CPAM donne son feu vert. Je commence alors en parallèle l’acupuncture à la fois pour la tentative mais surtout pour l’endométriose. J’adapte aussi mon traitement avec de l’Aspégic, de l’homéopathie et même des graines ramenées de la Mecque par ma belle mère ayant des vertus pour favoriser la fertilité (enfin si on y croit je suis perplexe mais ça ne coute rien).
Septembre 2015 FIV 5 : 4 ovocytes ponctionnés mais que sur un ovaire l’autre ayant été déplacé par les kystes d’endométriose. On me prévient que l’ovulation sera douloureuse car il y a également plusieurs ovocytes matures. Le médecin a également perforé le kyste pour le vider. Et effectivement à peine rentrée de l’intervention l’ovulation provoque une douleur infernale à défaillir. La tentative part décidément trop mal je sens l échec je me refuse à tout espoir, je me laisse porter par le protocole sans sentiment cela rend fou Monsieur et les disputes violentes pleuvent. 4 embryons et 2 transferts à J5 le 28 septembre (enfin des blastocystes). 0 congelés. Quelques jours après le transfert de grosses douleurs et des pertes brunes… j’avais raison bref attendons les règles elles ne devraient plus tarder. Pourtant au jour J du test de grossesse rien. J’attends le lendemain. Toujours rien, bon allons faire le HCG. Je récupère les résultats en main propre avec un grand sourire de la secrétaire, étrange.
Je rentre sans même ouvrir l’enveloppe. C’est mon mari qui me force à l’ouvrir. Ce n’est pas possible c’est positif et avec un très bon taux, les jumeaux sont évoqués… durant les 15 premiers jours je vais faire une prise de sang tous les deux jours et le labo joue le jeu en photocopiant l’ordonnance à l’infini, ils sont contents pour nous après toutes ces années.
Les échographies de femme enceinte
Première échographie tout va bien mais pas dans mon couple, les années de combat ont laissées leur marque, monsieur quitte le domicile sur ma demande. Pourtant mon premier trimestre est compliqué, la grossesse ayant des conséquences inhabituelles ayant même les symptômes d’un infarctus détecté par prise de sang artérielle lors d’un passage aux urgences avec réveil du cardiologue à 2h du matin en urgence, quel stress, les angoisses se poursuivent mais bébé va bien. Je suis sur le qui vive et la peur de perdre de mon enfant est tellement présente que j’achète sur internet un petit doppler pour écouter le cœur du bébé dès que c’est possible (je sais ce n’est pas bien mais le stresse non plus et cela m’apaise réellement)
Le deuxième trimestre annonce un tournant je vais mieux, le traitement s’arrête enfin, et je décide de me séparer officiellement de mon mari qui est la cause d’un décollement du placenta. Repos absolu.
Troisième trimestre, bébé dont l’arrivée était crainte trop tôt décide finalement de se faire attendre et dépasse de 3 jours le terme. I est née le 23 juin 2016 à 1h13, 51cm pour 3.590kg en pleine forme. Suite à des rebondissements concernant la garde de son fils ainé, nous décidons, avec mon mari, de reformer une famille tous les 4. Je rentre à la maison le 26 enfin maman. Quelle étrange sensation. Malgré tous ces mois de grossesse, malgré l’accouchement, l’allaitement, je ne réalise toujours pas que ce bébé est le mien. A la maternité je m’attendais même à ce que l’on vienne me la prendre. Je me sentais plutôt baby-sitter. Sentiment étrange. Mais je n’arrivais pas à m’y attacher. Je n’ai pas connu la sensation immédiate de bonheur intense, de joie, de larme à l’accouchement ni même en suivant. Tout ce par quoi nous sommes passés m’en empêche. J’ai peur de me réveiller et de ne plus la voir. Je me protège. Je ne peux pas y croire que j’ai gagné sur la maladie, sur mère nature. Alors je me détache de cet enfant.
Le retour douloureux à la maison
Je ne réalise qu’en rentrant tous à la maison, progressivement. Mais je me rends également compte que le ciment de notre couple était devenu la maladie et la stérilité, maintenant sortis de notre combat nous ne sommes plus unis, quelle triste constat. C’est guerre ouverte à la maison et nous ne pouvons pas élever 2 enfants dans ces conditions. Le bébé du miracle va aussi sonner le glas de notre couple ou plutôt me faire ouvrir les yeux sur ce que nous sommes devenus. Je demande le divorce, il en va de ma sécurité et de celle de ma fille. I à 2 mois.
Aujourd’hui I a 3 ans et demi et est une petite fille en pleine forme. Toutes nos épreuves nous ont rendues fusionnelles. Car notre combat pour sa vie s’est modifié lors de ma demande de divorce, nous avons connu d’autres épreuves qui ne sont plus en lien avec la PMA mais tout autant difficiles et marquantes. Ma fille est devenue ma raison de vivre.
La maladie n’a pas disparu
Pourtant la maladie me rattrape, j’ai bien suivi les conseils d’allaitement pour repousser au maximum le retour de couche et donc la maladie mais voila, lors d’un bilan gynécologique un an après la naissance le verdict a été sans appel. On me conseille de retourner voir le médecin qui me suivait en FIV faisant également du libéral. Je lui explique que je souhaite également avoir d’autres enfants plus tard. IRM prescrite et résultat guère encourageant.
On me dirige vers un nouveau médecin dans la région et non plus vers le CHU, le Dr Merlot. Endométriose stade IV atteintes ovarienne, rectale, intestinale… la maladie s’étend. On m’explique les différents choix, d’abord les FIV puis l’opération mais avec une maladie stimulée qui ralentit mes ovaires, ou l’opération d’abord mais nous ne savons pas encore les conséquences (éventualité de l’anus artificiel et impact sur l’AMH) ou éventuellement si mon dossier est accepté pour la cryoconservation de mes ovocytes, mais pour cela il faut encore attendre, l’endométriose n’étant pas dans la liste des pathologies pour ce type de protocole, il y a un dossier complexe à monter.
N’ayant pas de partenaire, tant pis je me lance dans l’intervention, après tout je dois également penser à ma fille maintenant et une maman malade, diminuée ou paralysée par la douleur, les saignements et autres joyeux effets de la maladie ce n’est pas possible. Durant la première quinzaine de décembre 2017 je suis hospitalisée. Arrivée au bloc je m’effondre en larme devant l’anesthésiste, j’ai tellement peur. Peur d’avoir le ventre ouvert, peur de la stomie, peur de perdre mes ovaires et le peu de fertilité qu’il reste. Je m’endors terrifiée malgré l’optimisme du chirurgien, son sourire rayonnant et ses promesses de me préserver au maximum.
5h d’intervention à 4 mains beaucoup de dégâts mais à mon réveil pas de poche sur le ventre ! Ouf. Je récupère vite, trop vite selon les médecins vu la lourdeur de l’intervention. Ca je le payerai une fois a la maison, mais bon. La vie reprend son cours et je me laisse le temps de récupérer.
Le deuxième bébé, direction l’Espagne
Puis revient la question de bébé 2, nouveau bilan AMH très très faible. J’ai 28 ans. Bon je me lance dans la PMA solo en Espagne. Je ne me pose plus de questions, je ne veux pas. Et lorsque l’on me demande comment je vais, je préfère ne pas répondre car si je réponds sincèrement je m’effondre, mon divorce est très compliqué et « sale », la maladie, la stérilité et le bébé à gérer c’est beaucoup. Alors je me lance à corps perdu dans cette nouvelle aventure, car oui c’est viscéral ce besoin d’un second enfant. Certaines arrivent à se réjouir d’un enfant mais je me rends compte que ce ne me suffit pas je ne l’explique pas c’est dans mes tripes. Alors je suis cet instinct qui me guide.
FIV 1 en octobre 2018 à Bilbao 3 ovocytes, 3 embryons de très bonne qualité transférés à J3. Echec.
Mon mari, enfin ex mari depuis 3 mois, l’apprend. Il est stérile, difficile de refaire sa vie avec une femme, il veut un autre enfant. On en parle longuement, pas de se remettre ensemble mais à son âge faire accepter à une femme qu’elle ne pourra pas être mère à cause de lui c’est difficile. Et je comprends, j’ai le même problème, va expliquer à un homme de trente ans désolé chéri tu élèves ma fille comme la tienne mais on en aura surement jamais ensemble à cause de mon endométriose, donc tu ne seras jamais papa… ça nous bouffe. On se lance dans cette folie ensemble.
Ponction testiculaire en février 2019 et 6 paillettes. C’est mieux qu’y a 7 ans. FIV 1 en France en suivant, 4 ovocytes 4 embryons mais qui cessent leur développement.
Octobre 2019 FIV 1 bis 3 ovocytes 3 embryons et résultat identique à la précédente ponction. Verdict sans appel nos gamètes ne sont pas d’assez bonne qualité. J’évoque alors avec les médecins ma tentative solo et le résultat plutôt encourageant. Après analyse Monsieur est surement en cause. Bien, retour à la case départ, retour en Espagne.
En écrivant ces lignes, je rentre de ma nouvelle ponction en Espagne, à San Sébastien cette fois, à Quiron, nous sommes le 9 février 2020. Le traitement a été éprouvant, je réponds de moins en moins à la stimulation. Je suis partie avec l’espoir de seulement 2 follicules de matures.
Du coup le protocole c’est transformé en protocole NEW HOPE, en vitrifiant les ovocytes de la ponction. C’est un nouveau coup dur. J’arrive également au bout des mes capacités et aucun médecin n’est optimiste pour la suite mais s’accordent à dire que pour l’instant la qualité ne semble pas poser problème, que je m’y prends tôt que je suis jeune c’est plutôt bien. De plus s’ajoute le stress financier que cela représente. Je me pose de nouvelles questions. Ai-je raison de persévérer, suis-je égoïste ? Pourquoi m’infliger ça ? Mais cette sensation au plus profond de moi, ce désir inexpliqué, ce besoin presque vital je ne peux pas l’étouffer je n’y arrive pas, pas encore. Pas tant que je n’ai pas tout tenté.
Le jour J 4 ovocytes ont été finalement ponctionnés et 3 assez matures pour être vitrifiés. Ce n’est pas le top mais déjà mieux que le pronostic de départ et puis pour ma fille je n’avais pas fait mieux alors que là il me reste encore un traitement.
J’attends maintenant impatiemment ma nouvelle stimulation.
Conclusion
Alors oui c’est dur c’est triste c’est beaucoup de déceptions, de coups dur mais tellement merveilleux la parentalité. Porter un enfant et donner la vie je suis devenue accro. Il faut persévérer y croire, tout est possible. Cela va faire 10 ans que je suis dans un combat perpétuel contre la maladie et pour être maman mais même si le bilan est mitigé il m’a permis d’être maman au moins une fois, de savoir ce dont je souffrais depuis mes premières règles, ce dont soufraient surement maman et aussi sa maman et sa grand-mère. Cela a permis de réveiller en moi des forces insoupçonnées, une persévérance, le goût et la saveur de la vie mais surtout de rencontrer l’amour avec un grand A, fusionner avec un petit être pour qui vous êtes tout et vice versa. L’essence même de l’amour et de la vie, ma raison d’être, ma fille.