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Don d’ovocytes : Interview de Pilar Dolz, psychologue d’IVI Valence

La psychologue Pilar Dolz de la clinique IVI Valence nous a accordé une interview et a répondu sans détour à nos questions concernant le don d’ovocytes et tout ce que cela impliquait :

Pilar Dolz, psychologue IVI

Q : Quel est votre rôle vis-à-vis des patients français ? À quel niveau intervenez-vous ?

R : Les patients internationaux rencontrent une psychologue basée à Madrid et qui parle six langues. Habituellement, les entretiens se passent par Skype. Mais si les patients ont quelque chose de grave ou ont besoin de parler avec moi en urgence lors de leur visite à Valencia et ils ne parlent pas espagnol, nous avons des interprètes et des traducteurs du département international.

Q : Les patientes françaises passent-elles systématiquement par un psychologue ?

R : Les personnes qui passent par un psychologue sont essentiellement celles qui vont recevoir un transfert avec don de gamètes. Cela reste basé sur le volontariat, car tout le monde ne voit pas l’intérêt d’être reçu par un psychologue.

Q : Quelles sont les plus grandes craintes des patientes qui recourent à un don d’ovocytes ?

R : En premier lieu vient le manque d’informations. Les patientes ne connaissent pas bien le processus de sélection des ovocytes et des donneuses, et elles craignent souvent qu’elles ne fassent ce don que par intérêt financier. Mais ce sont là des préjugés. Vient ensuite la question de la ressemblance physique entre la donneuse et l’enfant à venir, ainsi que la crainte des maladies génétiques. Les patientes ont tendance à penser que toutes les maladies peuvent être transmises génétiquement. On en revient au manque d’informations. On rencontre parfois aussi des problèmes éthiques, moraux ou religieux, qui sont des questions importantes pour les patientes. La plupart des patientes françaises que j’ai rencontrées sont des célibataires venant en Espagne pour bénéficier d’une insémination, ce qui n’est pour l’instant pas autorisé en France.

Q : Le fait de ne pas connaître la donneuse ne crée-t-il pas une crainte supplémentaire ?

R : L’anonymat des donneuses est un sujet toujours beaucoup débattu. La majorité des patientes internationales qui viennent en Espagne le font pour rencontrer les meilleurs spécialistes, mais aussi pour cette loi. C’est l’une des plus progressistes du monde, et elle a été pensée de manière à éviter les problèmes. Mais certaines personnes ont un autre point de vue sur la loi espagnole.

On craint cependant une pénurie de donneuses si leur anonymat vient à être levé. En effet, les donneuses ne procèdent pas à un don avec l’intention de voir un jour un enfant arriver en disant qu’elle est sa mère biologique… C’est peut-être la fin de l’âge d’or du don en Espagne.

Q : Dans les couples que vous rencontrez, la majorité compte-t-elle révéler la vérité à leur enfant ?

R : En Espagne, jusqu’à présent, il n’y a aucune obligation pour les parents de révéler leur origine à leurs enfants. Il y a dix ou quinze ans, personne ne disait rien, qu’il s’agisse des Espagnols ou des étrangers. Personne ne savait comment s’y prendre pour aborder le sujet. Il y a quatorze ans, j’ai eu l’idée d’écrire un conte pour expliquer leur origine aux enfants. Ce livre a été traduit en anglais, en français… Aujourd’hui, il existe beaucoup plus d’outils de ce type, car les gens ont davantage tendance à tout révéler à leurs enfants, mais ce n’était pas le cas à l’époque.

Q : Intervenez-vous une fois que les patients ont eu un enfant ou pendant le processus ?

R : Essentiellement avant, mais aussi après. La plupart des gens savent comment réagir face à leur enfant sur ce sujet. Mais il y a aussi des personnes qui n’ont pas de ressources, qui ne savent pas comment aborder la question.

Q : À quel âge recommandez-vous d’en parler à l’enfant ?

R : Ça dépend. Le conte est par exemple vraiment pour des enfants. Il peut être pertinent de le lire avec l’enfant au moment où, à l’école, on aborde la question de la reproduction naturelle. L’idéal serait de parler de ce sujet dès la naissance, car les enfants n’ont pas de préjugés. La difficulté ne vient pas des enfants mais des adultes. Je sais que certains patients en ont parlé lorsque leur enfant avait 15 ans par exemple.

Q : Et ça ne se passe pas bien, à cet âge ?

R : Si, parce qu’un don n’est pas perçu de la même manière qu’une adoption. En cas d’adoption, l’enfant avait déjà une famille, était déjà inscrit dans une société, une culture… L’adoption est liée à une tragédie, puisque l’enfant se sent abandonné. Dans le cas d’un enfant né par don, il n’y a pas cette notion d’abandon, au contraire on peut lui expliquer qu’il a été vraiment désiré, bien longtemps avant sa conception. Il n’y a donc pas de sentiment malheureux lié à un rejet.

Q : Si un couple ou une patiente explique qu’il ne compte rien dire à l’enfant, essayez-vous de le faire changer d’avis ?

R : Non, si la loi n’oblige pas expressément à raconter leur origine aux enfants, pourquoi forcerais-je les parents ? Mais j’ai écrit un livre pour aider à en parler.  Il n’est souvent pas aussi facile d’aborder le sujet pour un couple qui habite dans un village que pour un couple qui habite Paris, New York ou Madrid. Il ne faut pas oublier que chaque couple est un cas unique. Je conseille tout de même de réfléchir à la question avant de se décider définitivement.

Q : Ne pensez-vous pas que dans dix ans, lorsque les tests ADN ne coûteront plus rien ou presque, tout le monde en fera un et connaîtra ses origines biologiques ?

R : Peut-être. Mais ce n’est pas la même chose d’en parler à son enfant ou que ce dernier ait la possibilité de connaître le donneur ou la donneuse. Les relations interpersonnelles sont toujours difficiles à gérer, et s’il y a trop de personnes en demande d’identification du donneur, ce sera très compliqué.

Q : Y a-t-il d’autres sujets que les patientes françaises abordent ?

R : Il n’y a pas de sujets spécifiquement liées aux Françaises. Toutes les femmes célibataires qui n’ont pas le droit d’être inséminées dans leur pays viennent ici avec les mêmes préoccupations. Une étude a simplement remarqué que les étrangères étaient moins anxieuses que les Espagnoles.

Merci à elle pour sa disponibilité et la franchise dans ses réponses.

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