Don d’ovocytes en France, le CECOS la laisse seule et sans aide
Le cheminement
Il y a quelques années, je mettais au monde ma fille. Un bébé surprise, petit locataire découvert par hasard à 2 mois de grossesse, et aimé à la folie dès la première seconde.
Les années passent, je « change » de conjoint, le nouveau me fait attendre, pas très envie d’être père. Avoir au moins un autre enfant, c’est trop important pour moi. Il me demande de patienter (encore) 2 ans, j’accepte.
Dans l’impatiente, je surfe sur des forums de mères, de bientôt mères, et de pas encore mères. Je découvre les difficiles parcours de l’infertilité, les ménopauses précoces, les injustices de la vie.
Ça me bouleverse, moi qui suis tombée enceinte sans même y penser. Je découvre le don d’ovocytes, et je me décide. Voilà un joli geste dont je suis capable, et qui me permettra en même temps de patienter.
Le couple receveur
Sur le forum, je lance un appel, une personne me répond: elle tient un site qui liste les receveuses en attente, elle me propose des contacts, elle répond avec patience et bienveillance à toutes mes questions.
Elle fait le tour des receveuses du CECOS le plus près de chez moi, voir où en sont chacune. J’envoie un mail à la première qui lui répond.
Nous discutons, elle me parle un peu de son histoire, elle a du mal à croire qu’elle a peut-être enfin trouvé sa petite fée!
Le CECOS
J’habite une grande ville, mais pas de don d’ovocytes possible ici, il me faut faire 100 km.
Je téléphone une première fois, mais le message se perd, personne ne me rappelle. Deuxième coup de fil, rdv 1 mois plus tard, avec le médecin et la psy, pour commencer.
Tout est normal, on m’envoie faire une prise de sang… la première d’une très longue liste.
Le laborantin est adorable. Je lui explique que je suis un peu phobique de ce type de prélèvements… alors que je suis infirmière!
Rires, il me confie qu’il est dans le même cas!
Je rentre chez moi et l’attente commence.
1, 2, 3 coups de fil, je n’ai pas de réponses à mes questions. Pour quand les prochains rdv, pour quand les résultats du prélèvement sanguin? Pfff… Attendre les réponses concrètes, attendre les coups de fil. Ce n’est pas très clair leurs trucs!
J’ai finalement un rdv groupé pour la suite des examens.
Je vois une interne pour la première écho + examen gynéco, j’ai mes règles mais il parait que c’est l’idéal. J’oublie juste que j’ai ma coupe menstruelle (preuve qu’on l’oublie!!) et elle marque un temps d’arrêt en mettant le spéculum. Oups, ah oui, c’est vrai!
Visiblement, ni elle ni son étudiante n’ont entendu parlé de ça, zont dû me prendre pour une barjo!
Un petit passage par la généticienne. Elle tique un peu sur le fait que ma sœur soit un peu déséquilibrée psychologiquement parlant. Je me dis que j’aurais mieux fait de me taire… Je dois donc attendre l’avis du médecin.
Aller, encore un peu d’attente et de messages téléphoniques qui se perdent au CECOS, ma receveuse essaie de rester discrète mais je me doute que l’incertitude est un vrai calvaire de son côté.
Enfin un courrier! Les ordonnances, les résultats de mon deuxième bilan sanguin. Je commence au premier jour de mes règles, à moi de choisir quand.
Je me délecte en écrivant un mail à ma receveuse, je commence par « je suis vraiment désolée de t’apprendre que… tu vas être obligée d’acheter du champagne! »
La stimulation
Deux mois après la réception du courrier, je décide de commencer le traitement.
Je vais chercher tous mes trucs à la pharmacie. Je ne cherche pas à bidouiller pour l’anonymat, trop compliqué.
Donc ma pharmacienne doit penser que j’ai des difficultés à tomber enceinte… alors que le mois précédent j’étais encore chez elle pour ma contraception!!!
Je ne paye rien, tout est automatiquement remboursé.
J’ai mes règles comme prévu et mon homme me fait ma première injection, celle de mise au repos, hop dans la fesse.
Quelques jours plus tard, la première écho, je peux commencer les piquouzes.
Rien de bien compliqué, un stylo sur lequel on adapte une aiguille très courte et très fine, pour une injection en sous cutané. Exactement comme pour l’insuline. Je fais déjà ça tous les jours sur mes patients, c’est quasi indolore et très rapide.
Bon, je ne pousse pas le vice jusqu’à admirer l’aiguille pénétrant dans mon ventre, mais pas de quoi s’en faire toute une montagne!
Et là, les choses (plus) compliquées commencent.
Je fais mes examens, j’arrange au mieux mon planning, je me pointe tôt, j’attends, je reste zen… Mais pas longtemps.
Je me sens abandonnée par mon CECOS, ils attendent de moi que je fasse les démarches et que je règle les problèmes. Les échographes et le laboratoire oublient de faxer les résultats, et c’est à moi de les appeler, de faxer, de poser des questions.
J’essaie de prévoir les échos, mais il y a eu erreur sur une date qu’on m’a annoncée. Je dois trouver quelqu’un qui m’en fasse une + prise de sang en fin de journée… démerde toi!
Au bout de quelques jours, j’ai vraiment mal au ventre, c’est trop tôt, c’est trop fort, j’appelle le CECOS mais monsieur le docteur n’est pas dispo. A moi de téléphoner encore et encore jusqu’à ce qu’il me prenne au tel !
Tout ça pour l’entendre me dire qu’au vu de mes bilans, je n’ai pas mal (!!!). Il faut que j’y pense moins, parait-il !
Bouche bée, je raccroche. Si j’aimais la condescendance, je suis servie!
Je sors du travail, et je suis hors de moi. J’en profite pour agresser dans les transports en commun une petite dame qui voulait que je me pousse pour lui faire de la place sur mon siège. J’ai mal et je suis en colère.
Ras le bol. Les hormones, la fatigue, et maintenant la douleur.
Je vais m’épancher sur le forum dédié au don, les filles me soutiennent, ça fait du bien.
J’écris aussi un mail à ma receveuse, elle est scandalisée. Je ne lui avais pas parlé de toutes ces difficultés jusque-là et elle ne comprend pas que les équipes ne soient pas plus présentes. Nous parlons longuement au téléphone.
Le lendemain, elle a son rdv avec le médecin, elle lui expose mes plaintes.
Il a le bon goût de ne pas nier. Oui, ils sont en manque d’effectif. Oui, ça ne devrait pas se passer comme ça. Oui, bon nombre de donneuses ont abandonné en cours de route pour ces raisons…
Deux jours passent et la douleur disparait d’un seul coup! Pourtant, ma petite grappe de raisins continue de grossir.
Et enfin, la dernière prise de sang, la dernière écho, c’est bon, dans deux jours c’est le grand jour!!
Le soir même, je fais l’ultime injection, celle qui fera de mes poussins, les poussins d’une autre.
La ponction
Je dors à l’hôtel (qui me sera remboursé), et loupe mon réveil le matin! Merci mon portable pourrit!
Ouf, j’arrive tout de même pile à l’heure au CECOS!
Une infirmière adorable m’accueille, changement de tenue, ultime prise de sang.
J’ai fait ma douche bétadinée la veille. C’est mon petit plaisir, j’adore l’odeur de la légère transpiration mêlée à celle de la béta scrub (oui, chacun ses vices)!!
Un petit coup d’anxiolytique pour le fun, et on vient déjà me chercher.
En salle d’op, je demande ma petite couverture chauffante, il fait un froid de canard là-dedans.
Je rencontre mon bel anesthésiste, et je demande s’il fait de l’hypnose. Malheureusement non, pourtant je voulais tester.
Pas de problème, il va voir une de ses collègues et elle vient se placer à côté de moi.
J’ai un peu peur de ce que ça va donner, on m’injecte un produit pour me sédater un peu, elle commence à me parler.
Elle suit mon envie et nous visualisons toutes les deux une plage de Tunisie (mon voyage de pacs), je suis avec mon amoureux et la mer est chaude. Au même moment, je la sens, cette mer si chaude.
Ils ont eu la délicatesse de réchauffer la bétadine dont ils m’enduisent l’entre jambe. Je me sens bien. Je me sens bien les cuisses dans les étriers et les jambes écartées devant 3 ou 4 personnes. C’est un exploit!
Les bruits et l’activité autour de moi ont cessé, je n’entends plus que la voix chaleureuse de l’anesthésiste.
La première piqure. La douleur est là, mais si lointaine en même temps que je reste détendue. Ça pique, je ne sais pas combien de fois, et voilà, c’est fini.
Je suis emmenée en salle de réveil, je plane. La douleur se réveille, on me soulage tout de suite.
Je rentre dans ma chambre, l’infirmière gentille comme un cœur est là. J’ai à peine saigné, quelques traces dans ma protection.
J’ai faim, très faim. On m’apporte un plateau gargantuesque, je dévore tout jusqu’à la dernière miette.
Je me sens tellement bien dans ce lit aux draps tout frais, le ventre plein, la tête un peu embrumée!
Je dors comme un bébé.
Plus tard, je rentre chez moi, je dors encore.
Mon conjoint, qui ne comprend pas mon geste mais qui a tout accepté sans un froncement de sourcil, me dorlote comme une princesse.
Finalement, le bien être de cette journée balaie les jours de colère et de frustration.
Dès le lendemain, tout me semble loin derrière moi.
Je ne pense presque jamais à ce don, à ce que mes ex poussins ont pu devenir dans le corps de leur(s) maman(s).
J’ai fait mon devoir.
Et aujourd’hui, je tente d’avoir mon deuxième enfant, mon poussin à moi.
Je voulais rajouter que mon parcours peut faire peur, mais il semblerait que les difficultés que j’ai rencontrées dans mon CECOS soient loin d’être une généralité.
La plupart des témoignages que j’ai recueillis des autres « fées » sont beaucoup plus positifs. La plupart rapportent un contact très chaleureux, un « chouchoutage » de tous les instants, des équipes présentes et reconnaissantes…