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Don de gamètes : Pourquoi il est préférable de ne pas avoir de secret ?

Mettez-vous à l’aise

« Nous n’avions pas prévu d’en parler, mais si vous avez des raisons convaincantes, nous serions heureux de les entendre », a dit Nicolas.

Gwen et Nicolas ont choisi un donneur de sperme anonyme pour concevoir, étant donné que le nombre de spermatozoïdes de Nicolas était insuffisant. Nicolas préférerait ne rien dire à leur enfant à propos de sa conception par donneur, mais est prêt à en apprendre davantage. Les parents qui annoncent ne pas prévoir d’expliquer à leur enfant son origine précise le font pour plusieurs raisons.

Le premier problème de Nicolas, c’est la crainte que sa famille ne se sente différente des autres. Il est tout à fait habituel que les parents se sentent dépassés . Peut-être vous sentez-vous également dépassé(e) par le protocole et vos émotions ne sont-elles pas entièrement positives pour le moment, mais tout va bien.

Familiarisez-vous avec l’idée que parler à votre enfant de sa conception par donneur prend du temps. Les émotions confuses que vous ressentez s’estomperont si vous prenez le temps d’affronter vos problèmes. En acceptant vos sentiments et en dépassant vos appréhensions quant à la conception par donneur, vous serez mieux à même de comprendre les raisons de parler à votre enfant : nourrir la confiance et l’honnêteté, favoriser le développement sain de son identité, et renforcer la relation parents-enfant.

Les experts préconisent la divulgation

La plupart des experts en matière de PMA s’accordent à dire que les parents devraient tout dire à leur enfant de l’histoire de sa conception et de ses origines génétiques. Dans le milieu médical, on parle de « divulgation », c’est-à-dire le fait de découvrir ou révéler un secret.

Les procédures reproductives relèvent de la sphère privée, et la conception assistée est d’abord aisée à garder secrète. La divulgation est le choix de révéler à votre enfant, et aux autres, le recours à un traitement médical. L’ASRM (Ethics Committee of the American Society for Reproductive Medecine) a publié de nombreux articles sur ce sujet et reconnaît « la complexité psychologique, émotionnelle et éthique de la reproduction par un tiers ».

Voici les mots exacts de l’ASRM : « Bien que le choix reviennent en dernier lieu au parent receveur (parent d’accueil), la divulgation de leurs origines aux personnes issues d’une conception par donneur est fortement encouragée. » L’organisme affirme que cette révélation permet de préserver votre famille de secrets qui peuvent être ressentis comme une trahison sur le long terme. Il explique qu’une communication ouverte et honnête est primordiale et que les secrets contribuent à tendre les relations familiales et à créer pour toute une vie un climat électrique entre les individus qui sont au courant de la méthode de conception employée.

 

Il est plus sain d’en parler

En plus d’une communication ouverte et honnête, parler à votre enfant de sa conception par donneur permet de prouver sa fiabilité, se renforcer le processus d’attachement de l’enfant aux parents et de favoriser un développement équilibré. La plupart des parents expliquent qu’il est important pour eux de nouer avec leur enfant une relation de confiance : lui révéler l’histoire de sa conception fait partie d’un tel système de valeurs. Donner l’exemple de l’honnêteté dès le plus jeune âge assoit les bases de la confiance dès le départ.

Si vos enfants apprennent à avoir confiance en vous, ils auront plus facilement confiance dans les autres et dans leur place en ce monde. La confiance est également une vertu importante pour nourrir des relations amoureuses ou amicales épanouissantes à l’âge adulte. C’est également un aspect capital du processus d’attachement de l’enfant à ses parents.

Cet attachement a été largement étudié, et les recherches montrent que des problèmes d’attachement dans l’enfance peuvent donner naissance à des individus qui ont du mal à établir et à maintenir des relations de confiance avec les autres une fois adultes. Inversement, un attachement parents-enfant solide renforce la confiance future que l’enfant aura dans ses relations.

Des études se sont penchées sur les relations au sein de familles qui avaient parlé à leurs enfants de leur conception par donneur : elles montrent une augmentation des sentiments positifs au sujet de la maternité et une diminution des sentiments de détresse. En général, les parents se sentent davantage sûrs d’eux lorsqu’ils se rendent compte que leur rôle de parent n’est en rien diminué par la différence génétique. Lorsqu’un parent continue de se sentir mal à l’aise après la divulgation à son enfant, il est recommandé de prendre rendez-vous avec un psychologue.

Jeter les bases de sentiments positifs et axés sur la confiance rend ultérieurement plus facile l’éducation de votre enfant quel que soit son stade de développement, et en particulier pendant l’adolescence. Cette période est souvent difficile pour la plupart des familles, et représente un moment crucial pour vous, dans la mesure où vous devez soutenir le développement identitaire de votre enfant. La connaissance de soi constitue un aspect important de l’épanouissement identitaire pendant l’adolescence. Discuter de la conception par donneur avec votre enfant au moment-même où il explore toutes les facettes de la question « qui suis-je ? » l’aidera à comprendre combien le fait d’avoir été conçu par donneur est relié à tous les autres aspects de lui-même. En parlant ouvertement à votre enfant de ses spécificités génétiques, vous l’aiderez à comprendre tous les aspects de sa personnalité et de sa physionomie.

Votre relation avec votre enfant ne prend pas fin avec l’adolescence. La sortie de cette période marque le début d’une relation qui durera toute la vie avec votre enfant adulte. Imagniez à quoi ressemblera votre enfant une fois adulte. S’il peut être facile de garder un secret face à un enfant, cela se révèle bien plus compliqué face à un adulte. Au cours de votre vie et de votre relation avec votre enfant, c’est la relation d’adulte à adulte qui occupera le plus de temps. Les adultes issus d’une conception par donneur apprennent souvent leurs origines lorsqu’ils rencontrent un problème de santé. La relation que vous entretiendrez avec votre enfant adulte gagnera en qualité si elle repose sur de solides fondations d’honnêteté et de confiance, construites durant ses années de développement.

Les secrets ne sont pas une protection

Les parents qui veulent garder secrète la méthode par laquelle leur enfant a été conçu expliquent habituellement qu’ils cherchent à protéger leur enfant d’une détresse émotionnelle et relationnelle. Mais les secrets ne garantissent pas la protection. En réalité, l’ASRM affirme que pour protéger votre famille sur le long terme, mieux vaut divulguer à votre enfant sa conception par donneur.

Tout comme l’anonymat, l’information génétique est difficile à garder secrète tout au long d’une vie. Votre enfant pourrait développer un problème de santé ou une maladie qui vous oblige à plonger dans son bagage génétique. Il pourrait aussi vouloir effectuer un test ADN pour découvrir ses ancêtres, juste par curiosité. Ou encore, il pourrait être contacté par une demi-sœur grâce à ce système . Il est également difficile de garder un secret si vous en avez parlé ne serait-ce qu’à un ami ou à un membre de la famille.

Même si vous avez gardé le secret pour vous seul et n’en avez jamais parlé à personne, cette connaissance peut se transformer en fardeau au fil du temps, et les enfants ont tendance à sentir naturellement qu’un secret de famille plane sur eux. Les enfants auxquels on n’a rien dit de leur différence génétique peuvent en outre s’étonner de ne pas ressembler à leurs parents. Ils peuvent alors soupçonner qu’il y a là une raison cachée et se demander si leur passé ne constitue pas un secret de famille honteux. Cette incertitude et ce mystère peuvent être difficiles à supporter pour des enfants. Psychologue du développement humain, Diane Ehrensaft décrit ce sixième sens des enfants comme une « connaissance insoupçonnée ».

Les secrets ne constituent pas la meilleure façon de protéger votre enfant d’une détresse émotionnelle car ils portent en eux des sentiments destructeurs de peur et de honte que votre enfant peut ressentir et intérioriser. La personne qui détient le secret juge que sa révélation entraînerait de graves conséquences, c’est pourquoi elle ne le divulgue pas. En tentant par tous les moyens de conserver son secret, cette personne peut faire preuve d’un comportement trompeur qui ruine la confiance et la communication. Or, la méfiance et le manque de communication sont des facteurs qui finissent par entraîner la fin d’une relation.

Le psychothérapeute Carl Jung pensait que « la possession d’un secret agit comme un poison psychique qui aliène leur possesseur de la communauté. » Pour les parents, ce sentiment d’aliénation commence souvent au moment de la découverte de l’infertilité et peut s’étendre à la vie familiale et sociale.

Certains parents gardent secrète la question de la conception par donneur parce qu’ils craignent que leur famille ou leurs amis ne désapprouvent leur choix. Or, ne rien dire peut entraîner d’autres types de tension dans ces relations. Dans ses publications sur la divulgation, l’ASRM affirme que les secrets créent des tensions et des dissensions entre les membres d’une famille. Par exemple, si certains membres d’une famille connaissent le secret tandis que d’autres non, une certaine suspicion finira par s’installer et les conversations deviendront limitées. En outre, les parents ne cesseront de craindre que l’un des membres de la famille n’en parle à leur enfant avant qu’eux-mêmes ne s’en chargent.

Si votre enfant découvre le secret de manière inattendue, les dommages causés à la confiance peuvent s’avérer importants. Des rapports fournis par la communauté des personnes conçues par don de gamète révèlent que la plupart des enfants qui ont appris la nouvelle par surprise se sont sentis trahis. La trahison abîme profondément la confiance, et bien des excuses seront nécessaires pour réparer une relation brisée par la trahison.

Les enfants se demandent pourquoi leurs parents ne les ont pas prévenus avant et présument que derrière ce silence se cachent des raisons négatives. Garder un secret ne protégera donc pas votre famille du sentiment négatif attaché à la conception par donneur, mais ne fera qu’y ajouter davantage de négativité. Il est recommandé aux familles dont l’enfant a découvert ses origines par surprise de consulter un psychologue afin de résoudre les problèmes liés au sentiment de trahison, de confusion ou au choc qui peuvent s’ensuivre.

Les exceptions

Il existe quelques exceptions à la divulgation : lorsque l’enfant fait partie d’une famille ou d’un groupe culturel dont les réactions face à l’idée d’une conception par donneur pourraient complètement mettre la famille à l’écart ou menacer la sécurité de l’enfant. En outre, mieux vaut ne rien dire à un enfant avec des besoins de développement particuliers. Complexe, l’information ne ferait dans ce cas qu’accabler l’enfant. Dans la même optique, il n’est pas recommandé d’aborder le sujet avec votre enfant pendant une situation de crise, comme un divorce par exemple. Attendez alors que la situation se soit stabilisée ou passez par un psychologue.

Si vous pensez encore que vous feriez mieux de garder le secret sur la conception par donneur de votre enfant, il est recommandé e de parler à un psychologue et de prendre un peu de temps pour y réfléchir.

La plupart des parents d’accueil réalisent que le fait que leur enfant connaisse son origine ne diminuera pas la sincérité de la relation. En fait, ils gagnent en confiance car ils ont le contrôle sur le récit familial.

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